REPONSE DE DANY VANDROMME A ALAIN COSTES
ORDRE NATIONAL DU MERITE
31 janvier 2002
Monsieur le
Directeur, Mesdames et Messieurs
Je me dois tout d’abord de remercier le Ministre
de la Recherche, pour m’avoir distingué par cet honneur. Je sais
que, autour du Ministre lui-même, de très nombreuses personnes
accompagnent et supportent mon action au sein du GIP RENATER, et je les en
remercie.
Je dois vous faire part de ma
surprise, lors de la réception au mois de Mai 2001, d’un courrier
signé du Ministre de la Recherche, m’informant qu’il
m’avait proposé pour l’Ordre National du Mérite.
Au-delà de ma première réaction pour identifier le vrai
coupable d’une telle entreprise de déstabilisation du GIP RENATER,
je me suis interrogé sur la signification et le bien-fondé
d’une telle reconnaissance. C’est ce thème que je veux
m’efforcer d’expliciter rapidement pour vous, avec l’espoir
de répondre au moins partiellement à une question qui est commune
à la majorité d’entre vous : Quel est le métier
de Dany Vandromme, et qu’est-ce qu’il peut bien faire de si
mystérieux qu’il n’en parle pratiquement jamais ?
Dans l’intitulé
« Ordre National du Mérite », je retiens deux
notions qui sont « Mérite » et
« National ». J’avoue que j’aurais
certainement plus de difficultés à commenter le mot
« Ordre », malgré sa multiplicité de
significations.
En ce qui concerne le mot
Mérite, j’ai, de façon très conventionnelle, fait
une rapide recherche dans un dictionnaire (j’ai même trouvé
plus commode de le faire sur l’Internet). Le résultat est :
mérite n. m.
1.
Ce qui rend une
personne digne d'estime, de considération. Elle a du mérite
à travailler dans ces conditions.
2.
Qualité
estimable que possède qqn, qqch. Les mérites comparés de
César et de Pompée. Un des mérites de cet ouvrage... || Se
faire un mérite de qqch, en tirer gloire.
3.
Le mérite
: la valeur d'une personne, l'ensemble de ses qualités. Un homme de
mérite. Une promotion due au seul mérite.
4.
RELIG Les
mérites d'un chrétien, ses bonnes oeuvres.
Il me semble reconnaître
quelque chose dans le premier exemple, en tant que supporteur de la semaine des
35 heures (pour les autres). Mais, je crains d’être victime
d’une clause d’exception envisagée par la loi sur la
réduction du temps de travail, concernant les
« cadres-dirigeants » !
L’option deux me semble
beaucoup plus lointaine, car sans même aller jusqu’à
esquisser une comparaison avec ces illustres empereurs romains, les
activités de professeurs, de chargé de mission ou même de
directeur de GIP, n’ouvrent certainement pas la voie des honneurs ou de
la gloire.
L’option trois me semble tout
aussi inadaptée, sans doute liée uniquement aux qualités
personnelles, alors que mon propos est plutôt de rappeler
l’importance et l’efficacité du travail d’équipe.
Mais on y parle néanmoins de promotion : la distinction qui nous
réunit ici aujourd’hui est certainement assimilable à une
promotion dans l’estime de mes concitoyens, mais surtout de mes amis.
Il reste la quatrième, qui
relève des qualités de générosité
liées à la foi chrétienne, qui me semble également
inadaptée, en ce qui me concerne, et malgré un lourd passé
dans tous les mouvements de jeunesse possibles et imaginables dans lesquels
j’ai pu me compromettre par le passé !
Par curiosité, j’ai
étendu la recherche (toujours sur Internet) au verbe
« mériter ». J’y ai trouvé deux
notions adaptées à ma situation présente :
La première fait le
parallèle entre le bien et le moins bien. On mérite
« une récompense », mais on peut aussi bien
mériter une sanction ! J’en conclus que le mérite
n’est pas une situation acquise et stable, et qu’il doit
n’être que la conséquence d’une suite d’actions
« méritantes », sous peine de voir tomber une
sanction « méritée ». Il faut donc
persévérer !
La seconde notion rentre mieux
dans le contexte de la distinction présente, puisqu’elle fait
référence au rendu de services à la patrie ou à
l’Etat. J’ose croire que l’Ordre National du Mérite
s’attache plus particulièrement à cette définition.
En ce qui concerne le second mot
clé : « National », la tâche m’a
semblé beaucoup plus générique, et susceptible de mauvaise
interprétation, en particulier à une époque où la
densité de discours va croître de façon significative pour
quelques mois encore, et je préfère en commenter une
réduction au statut de fonctionnaire, que j’appellerais
« service public ».
Ainsi que l’a
mentionné Alain Costes, j’ai eu la chance de passer une petite
période de ma vie professionnelle de l’autre coté de
l’Atlantique, au sein d’un organisme fédéral
américain qui s’appelait déjà la NASA. Cette période
a été particulièrement riche, puisqu’elle m’a
permis de mener une collaboration scientifique intense de dix années
avec le Professeur Ha Minh. Au-delà de nos travaux sur la
modélisation des écoulements supersoniques, Haminh et moi avons
eu aussi la chance de connaître les chercheurs permanents de cette
organisation (qui ont presque tous été des pionniers de
l’aéronautique). Tous partageaient le même statut :
celui de « Civil Servant ». J’ai personnellement
toujours été impressionné par le sens qu’ils
donnaient tous à ce statut, et l’idée qu’ils se
faisaient de leur rôle au sein de leur administration. Je crois que de
retour en France, Haminh, tout comme moi, avons interprété notre
rôle de Professeur des Universités (c’est le titre
consacré) sur ce modèle de service à rendre à la
collectivité. Mais il est vrai à nouveau, que les détails
de cette période heureuse de la « French
Connection », nous mettraient dans la plus parfaite illégalité
par rapport à la loi sur la réduction du temps de travail !
Au-delà de ces
interprétations lexicales, je souhaiterais profiter du temps de parole
qui me reste pour faire un bilan des actions menées à RENATER,
qui ont un sens par rapport à la promotion dans l’Ordre National
du Mérite :
1)
Le réseau RENATER-2 a répondu à toutes ses attentes.
Dans un contexte que je qualifie de difficile (le secteur des
télécommunications a été ouvert à la
concurrence le 1er janvier 1998), RENATER-2 a été
déployé en milieu d’année 1999, et remodelé
en fin 2000). Je rappelle que ce réseau est, et le sera de plus en plus
à l’avenir, le plus puissant réseau de
télécommunications en France, dédié à une
communauté d’utilisateurs. Le réseau RENATER-3, ne fera que
renforcer cette position, en répondant aux objectifs fixés par le
gouvernement, lors des différents Comités
Interministériels pour la Société de l’Information
et l’Aménagement du territoire.
2)
La continuité territoriale est également assurée pour
les 8 départements et territoires d’Outre-Mer dotés
d’établissements d’enseignement supérieur et de
recherche. L’île de Mayotte sera également raccordée
à RENATER dans le courant de l’année 2002.
3)
Le réseau sert également d’épine dorsale pour
l’ensemble du système éducatif national. Les prochaines
évolutions liées à l’ouverture à la
concurrence des boucles locales de l’opérateur historique, vont
permettre une avancée significative dans l’accès à
l’Internet pour tous les établissements scolaires.
4)
Un certain nombre de sites dépositaires d’importantes
richesses culturelles et pédagogiques sont maintenant raccordés
directement au cœur du dispositif national, leur offrant une
capacité d’accès « illimitée »
pour tous les internautes en France et dans le monde.
5)
A quelques exceptions près, tous nos utilisateurs voient leurs
capacité de raccordement à RENATER décuplées
grâce à l’avènement des réseaux
régionaux de seconde génération, des réseaux
métropolitains et des boucles optiques à très haut
débit.
6)
Les liaisons avec le continent nord-américain, après avoir
été une source de mécontentement chronique de nos utilisateurs,
sont maintenant dimensionnées en excès par rapport aux besoins et
attentes des utilisateurs.
7)
Les relations avec l’Internet commercial en France sont
optimisées grâce aux nœuds d’échanges qui ont
été mis en place par RENATER.
8)
RENATER a joué et joue encore un rôle de premier plan dans la
structuration des infrastructures de télécommunications pour
l’Education et la Recherche en Europe. Le réseau GEANT, qui
s’est substitué aux réseaux TEN-34 puis TEN-155 dessert
aujourd’hui 31 pays, avec des capacités et des technologies qui
sont comparables à celles de nos homologues américains. On est
passe aujourd’hui de la situation d’une Europe qui va se connecter
aux Etats-Unis, à un modèle où les réseaux américains
viennent se raccorder à l’Europe ! Ce retournement de
situation pourrait être pris comme modèle pour nombre de secteurs
industriels !
9)
Le modèle d’organisation de GEANT, supporté par la
Commission européenne, est en cours d’extension à
l’ensemble des pays du Bassin Méditerranéen. La France joue
maintenant le rôle de porte d’entrée de l’Asie avec la
liaison Paris-Séoul, et nous travaillons maintenant en direction de
l’Afrique subsaharienne et du continent sud-américain pour
généraliser ce modèle qui n’existe nulle part
ailleurs.
10)
RENATER est également actif dans l’ICANN qui est la structure
chargée de la coordination de l’Internet mondial. C’est une
tâche particulièrement consommatrice de temps, de e-mails et de
voyage aux quatre coins du monde, mais il est important que la France y soit
représentée, pour les secteurs non-commerciaux, à
coté de l’action de l’AFNIC pour le domaine national.
Ce bilan, que l’on peut
qualifier de globalement positif, est dû essentiellement à trois
supports permanents :
1)
En premier lieu, je dois me féliciter d’avoir
bénéficié d’un soutien permanent du pouvoir
politique, pour mener cette action, d’abord sous l’administration
de Claude Allègre, puis sous celles de Roger-Gérard Schwarzenberg
et Jack Lang. Je ne peux pas citer ici tous les directeurs et responsables qui
m’ont apporté leur soutien (malgré mes fréquentes
incartades verbales ou électroniques, qualifiées de
« poil à gratter »), mais sans leur appui, le
bilan ne serait pas ce qu’il est aujourd’hui.
2)
En second lieu, je ne peux que rappeler qu’il n’y a pas de
travail efficace sur la durée, qui ne soit un vrai travail
d’équipe. Pour cela, je dois reconnaître avoir
été privilégié, tant en région avec le
personnel du CRIHAN, qui me fait confiance depuis dix ans maintenant,
qu’à RENATER où je sais pouvoir me
« reposer » sur une communauté jeune et
motivée, animée par le même souci de servir la
communauté.
3)
Le troisième pied de la confiance a lui été
créé récemment autour des actions européennes. Le
réseau GEANT n’est pas uniquement une infrastructure de
télécommunications, mais est aussi une petite communauté
de responsables qui travaillent ensemble, que ce soit dans le directoire de
DANTE, dans le consortium des réseaux européens ou dans la
foultitude des groupes de travail et comités qui apparaissent et
disparaissent au gré des besoins de la Commission Européenne.
Pour conclure cette courte
intervention, je ne sais pas si j’ai répondu correctement à
la question : mais que peut-il bien faire tout le temps à
Paris ou ailleurs?, mais j’espère au moins vous avoir convaincu
de l’utilité d’une action de service public, au
bénéfice du plus grand nombre.
Je vais clore ce discours en
m’adressant maintenant directement à Alain Costes, Directeur de la
Technologie, qui a toujours été un fervent défenseur des
Sciences pour l’Ingénieur. Pensez-vous, Monsieur le Directeur,
qu’après des études d’ingénieur, puis de
mathématiques appliquées, une carrière
d’Enseignant/Chercheur en mécanique des fluides, il soit
raisonnable de se fourvoyer dans ce monde des
télécommunications ? Peut-être pas, mais néanmoins
n’est-ce pas une bonne illustration de la multi-disciplinarité des
Sciences Pour l’Ingénieur ?
Mesdames et Messieurs, chers amis
et proches, je vous remercie pour votre attention.